Origine du culte de
Notre-Dame d'Espérance:
Livret à imprimer pour déposer dans les églises Pages 16 & 1 Pages 2 & 15 (verso) Pages 14 & 3 Pages 10 & 7 « Ouvrez-vous à la prière afin que la prière soit un besoin pour vous. » "Je suis dans le Très Saint Rosaire" |
Notre-Dame
d'Espérance de Saint-Brieuc 1ERE PARTIE: Origines >>2EME PARTIE: Le Couronnement >>3EME PARTIE: Les trois guerres et les trois voeux >>4EME PARTIE Pèlerinages, Action Sociale >>5EME PARTIE: Les épreuves CHAPITRE PREMIER Origine du culte "Notre-Dame d'Espérance" En fin d’année 1847, les médecins s’étant déclarés impuissants à vaincre la maladie qui conduisait indiscutablemenl au tombeau un petit garçon de 9 ans, Hyacinthe de Bélizal, sa famille mit son ultime espoir dans une intervention du ciel; une soeur du petit malade se mit à invoquer, de tout son âme, la «Bonne Vierge de Saint-Pierre», et à lui dire: «Si vous conservez la vie à mon frère, oh! je ne serai point ingrate, ni moi, ni ma sœur, ni aucun des miens.» De son côté l’abbé Prud'homme suppliait ainsi: «0 Marie, je n’ai plus rien à vous offrir: mon cœur, vous l’avez; mes biens, je n’en ai pas, ou, si j’en ai, ils sont à vous. Accordez la guérison que tant d’âmes pieuses vous demandent, et tous nos efforts tendront à vous faire appeler et à vous faire honorer sous le titre de Notre-Dame d’Espérance; car, une fois de plus, vous aurez prouvé qu’ici on ne vous invoque jamais en vain.» Les prières furent exaucées; l’enfant fut guéri et son père revint à la pratique religieuse. Comme il l'avait promis, le Directeur de la congrégation inscrivit sur le socle de la statue de la Vierge le nom de «Notre Dame d'Espérance». C'était le 1er février 1848 à l’heure des premières vêpres de la Purification de Notre-Dame. A la fin de ce mois de février, sous la poussée d’une révolution politique doublée de convulsions sociales, Paris se hérissait de barricades, le mouvement semblait devoir gagner le pays et, quelques mois plus tard, l’Europe entière. Devant l’image de Notre-Dame d'Espérance la prière permanente s’organisa, et, pour en stabiliser le courant, d’accord avec l’abbé Prud’homme, Mgr Le Mée prit cette ordonnance : Art.1er: Nous élablissons et autorisons canoniquement, dans la chapelle de l’Immaculée-Conception, dite des SS. apôtres Pierre-et-Paul, de Saint-Brieuc, une pieuse Association sous le titre de Notre-Dame d’Espérance, pour obtenir le salut de la France, par l’intercession de la très sainte Vierge Marie. Art. 2: M. l’abbé Prud‘homme est nommé Directeur de ladite Association et chargé par les présentes de dresser un projet de Statuts qui nous seront soumis avant d’être mis à exécution. Donné à Saint-Brieuc, sous notre seing, le sceau de nos armes et le contre-seing du secrétaire de notre évêché, le 25 mars 1848. + J.-J. PIERRE, év. de Saint-Brieuc Par Mandement : P. LIMON, Ch., Secrétaire. A la suite de l’Evêque qui avait tenu à s’inscrire en tête du registre de la nouvelle association les adhésions se multiplièrent, et le 8 août 1848, l'Union de Prières pour le salut de la France devenait l’Archiconfrérie de Notre-Dame d’Espérance ainsi que l'atteste le bref d’érection: A PERPÉTUITÉ Nous enrichissons volontiers des faveurs particulières de l'Indulgence pontificale les pieuses Confréries des chrétiens qui sont instituées pour augmenter la gloire du saint nom de Dieu et défendre la religion. On nous a dernièrement exposé qu’une pieuse Confrérie, en l’honneur de la très sainte Vierge Mère de Dieu, sous le nom de NOTRE-DAME D'ESPÉRANCE, dont le but est d’obtenir le salut de la France, la conversion des pécheurs, la persévérance des justes et enfin la bonne mort pour tous les associés, a été canoniquement érigée dans la ville de Saint-Brieuc, et, pour le plus grand bien et l’accroissement de cette Confrérie, on nous a humblement supplié de l’enrichir du titre et des privilèges d'Archiconfrérie. Nous donc, accédant de bon coeur à ces prières, nous enrichissons, par les présentes, du titre et des privilèges d'Archiconfrérie l'Association mentionnée plus haut, canoniquement érigée, comme on l’atteste, dans la ville de Saint-Brieuc, pourvu que, dans la même ville, il n’en existe pas déjà quelqu’une du même nom; en vertu, de la même autorité, nous accordons, à perpétuité, et nous donnons aux Directeurs et Confrères présents et futurs de cette Archiconfrérie ainsi constituée, le droit d’agréger les autres associations du même nom, et qui se proposent la même fin, existant en quelque lieu que ce soit, hors des limites de la ville susdite, et de leur communiquer librement et licitement (observant toutefois la forme prescrite par la Constitution publiée à ce sujet par notre prédécesseur Clément VIII), en général et en particulier les indulgences, rémissions des péchés, diminutions des peines susceptibles d’être communiquées et accordées par le Siège apostolique à ladite Association, ainsi érigée en Archiconfrérie, nonobstant les Constitutions, Ordonnances apostoliques et toutes autres dispositions contraires. Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, sous l’anneau du Pêcheur, le 8ème jour d’août de l’année 1848, de notre pontificat la 3ème. Pour S. E. le Cardinal LAMBRUSCHINI, A. PICCHIONI, délégué. Nous
avons reconnu les présentes lettres apostoliques.
Saint-Brieuc, le 22ème jour
d’août 1848. t
J.-J.-P. LE MÉE, évêque de Saint-Brieuc. CHAPITRE II LE FONDATEUR: LE CHANOINE PAUL PRUD'HOMME Paul-Marie-Mathieu Prud'homme, naquit à Saint-Brieuc le 27 mars 1812. Fils de Louis et de dame Couëssurel-Villenizant, il était le petit-fils de Jean-Louis Prud'homme qui, en 1793, avait failli payer de sa vie son inviolable fidélité aux traditions de ses ancêtres, et avait racheté en 1796, la chapelle de l'Immaculée-Conception qui avait été réduite en magazin par l'Etat révolutionnaire. Il fut d'abord élève des Frères des Ecoles chrétiennes; puis des Pères Jésuites, au Petit Séminaire de Sainte-Anne d'Auray, où il resta jusqu'au jour où les décrets de Charles_X ordonnèrent la dispersion; il eut, malgré tout, le temps de solliciter son admission dans la Congrégation de la Sainte-Vierge, dans l'antique sanctuaire de sainte Anne. Le 20 mai 1828, Paul prononça son acte de consécration à Marie dans la "chapelle des frères de la Congrégation des hommes de l’Immaculée Conception" à Saint Anne d'Auray. «O Dieu, qui sondez les coeurs, écrivait-il sur son cahier de notes intimes à la date du 25 octobre 1831, vous à qui rien n’est caché, daignez me faire connaître ma vocation ; mon unique volonté est d’accomplir la vôtre». Il aimait aussi à réciter une prière qu’il avait lui-même composée : «O Marie, que je trouve de douceur, de consolation et de bonheur à venir à vos pieds, à vous prier, à vous nommer ma Mère, à vous confier mes peines, à verser dans votre coeur tous les secrets du mien! Je me sens entraîné vers vous, ô aimable Mère, par le charme puissant d’une confiance sans bornes... Je me réfugie près de votre coeur et j’y colle le mien». Il termina ses études classiques au Collège Royal de Saint-Brieuc. Hésitant sur le choix d'une carrière, il se donna le temps de la réflexion en aidant son père dans la direction de l'imprimerie. Au bout de six mois, toute crainte dissipée, il entra au Grand Séminaire de Saint-Brieuc, se fit remarquer par sa piété et obtint, avec quelques amis, l'autorisation de célébrer les exercices du mois de Marie. S'il dut soumettre son tempérament actif et primesautier aux fortes disciplines de la maison, il n'en demeura pas moins un sujet d'élite qui, au cours de ses études, eut le temps de composer l'Histoire du Peuple de Dieu, ouvrage qui est resté à l'état de manuscrit. En 1836, il écrit: «Je me suis bien convaincu que la sainteté d’un prêtre doit être toute autre que celle d’un simple fidèle, qu’il est tenu à une perfection bien plus éminente. N’ayant plus que quelques mois pour me préparer au redoutable fardeau du sacerdoce, j’ai pris la ferme résolution, aux pieds de Jésus et de Marie, de faire tous mes efforts pour parvenir à cette vie nouvelle en Jésus-Christ ; pour cela, je veux: 1° bien employer tout mon temps; 2° me conserver toujours dans le recueillement, marchant en la présence de Dieu et faisant chacune de mes actions en union avec Jésus et Marie; 3° être exact observateur de la règle, surtout par rapport au silence; 4° me préparer d’une manière toute particulière à la confession et à la communion, dirigeant toutes mes prières en vue de l'ordination; 5° vivre dans un continuel esprit de sacrifice et d’oraison; devant bientôt offrir à Dieu la victime pure, sainte et sans tache, je m’offrirai par avance et avec les mêmes dispositions». Cinq mois plus tard, le 18 février 1837, il fut ordonné prêtre par Mgr Le Groing de la Romagère, évêque de Saint-Brieuc. «Sois bien persuadé, lui écrivait, à cette occasion, l’un de ses amis, autrefois confident de ses appréhensions, M. l’abbé Onfroy-Kermoalquin, sois bien persuadé qu’un enfant de Marie ne fut jamais un mauvais prêtre». A deux reprises différentes, le grand-père du jeune prêtre était venu offrir à l'Evêque, la chapelle de l'Immaculée Conception. Comme son prédécesseur, Mgr. Le Groing la Romagère jugea bon de ne pas accepter ces offres, et voulut que M. Jean-Louis Prud'homme en restât dépositaire. Ceci était dans les desseins de la Providence. Voulant reconnaître le dévouement du grand-père, et de plus ayant à coeur de garder dans sa ville épiscopale un jeune prêtre qui donnait à l'Église de si grandes espérances, l’évêque nomma l’abbé Prud’homme Directeur de la Congrégation de l'Immaculée-Conception. A partir de ce moment, toute sa vie sera consacrée à la Vierge Marie, à sa dévotion, à sa gloire. Sa vive intelligence, les ressources de son coeur, son patrimoine, il les mettra totalement à son service. De ses joies et de ses peines, malaxées dans le même creuset, il tirera le maximum de force et de grandeur, d'humilité et de sainteté qui justifieront sa prédilection pour la grande oeuvre de spiritualité et de piété mariale qu'il devait inaugurer en inscrivant, sur le socle d'une image vénérée, ces mots: «Notre-Dame d'Espérance». Il s’appliqua tout d’abord à rétablir sur des bases solides la Congrégation; il en fit imprimer les statuts, rédigea lui-même un historique de l’association et de la chapelle, institua au sein de la Congrégation une caisse de secours mutuels, et suscita de nombreuses adhésions. Là ne pouvait se borner son zèle. Son rêve avait toujours été d’assurer le salut des âmes par la dévotion à la sainte Mère de Dieu: il se fit l’apôtre et le missionnaire de Marie. Mais son zèle ne se bornera pas à l'Archiconfrérie. Il l'extériorisera. N'avait-il pas reçu, lors de son premier voyage à Rome, le titre de Missionnaire Apostolique? Il va le justifier en répondant ici et là aux demandes nombreuses que sa réputation d'orateur a provoquées. A Rome il réunira deux fois des auditoires en présence de cardinaux et prélats. A Paris, à Notre-Dame des Victoires, sur les pressantes sollicitations du vénéré M. Desgenettes, il parlera de l'Archiconfrérie et de la Vierge. Il prêchera le carême de 1868 à l'église Saint-Augustin, à Paris, sur l'invitation du curé, le futur cardinal Langénieux. A Grenoble, il sera le confident et le soutien du chanoine Gay, l'un des plus ardents promoteurs du culte de Notre-Dame de la Salette. Blois, Rennes, Laval, Le Mans, Brest, connaitront son éloquence. Notre-Dame de Bon-Secours, à Rouen, bénéficiera de ses libéralités et il aidera de ses conseils le constructeur de la basilique, M. Godeffroy (Les deux sanctuaires de Notre-Dame d'Espérance à Saint-Brieuc et de Notre-Dame de Bon Secours à Rouen ont une parenté évidente dans leur architecture). En Bretagne, et particulièrement dans le diocèse de Saint-Brieuc, sa parole ardente animera les missions, les retraites et les pélerinages. Sujet à des crises de rhumatismes, il fut plus fortement atteint par la maladie en 1879; il fit, le mercredi de Pâques 1881, une chute qui aggrava son mal et eut raison de sa robuste constitution. Dans les premiers jours de janvier 1882, à son neveu, justement inquiet, qui lui proposait les derniers sacrements, il dit: Pas encore, attendons jusqu'au 1er février. Ce jour-là, je mourrai ou je guérirai. Mais, après un arrêt, le mal rebondit. Le 1er février, au matin, il demanda et reçut le saint Viatique et l'Extrême-Onction. A midi il exhålait son dernier soupir et son âme retourna à Dieu. C'était le jour anniversaire de la fondation de Notre-Dame d'Espérance, en 1848. Le 4 février, Mgr David présida ses obsèques - qui furent émouvantes, «triomphales», a-t-on écrit. Il dit un suprême adieu au Doyen de son Chapitre qui fut le bon et fidèle serviteur de la Vierge Marie. CHAPITRE III Basilique «Notre-Dame d'Espérance» chef-d'œuvre réalisé par le sculpteur Pierre Ogé, en 1852, sous l'inspiration du chanoine Paul Prud'homme, qui en a fait cette description: Son Immaculée Conception, sa Maternité divine, son union constante à son divin Fils, ses souffrances et son amour pour nous sont exprimés dans ce groupe. Marie, debout, écrase la tête du serpent enroulé au pied de l’arbre choisi pour tenter la première Eve. Sur un arbre, aussi, s’est opéré le salut du monde: l’arbre de la croix, symbolisé par le tronc sur lequel se tient, debout, l’enfant Jésus. Ce tronc d’arbre est encore l’image de la racine de Jessé, d’où devait sortir le fruit de bénédiction: le Fils de Marie. Et celle-ci appuie, en signe de propriété, la main gauche sur l’épaule du divin Enfant. L'Enfant Jésus présente d’une main, l’ancre, emblème de l’Espérance; il lève l’autre main vers le cœur de sa Mère, source intarissable d'Espoir, de confiance et d’amour. Ce Cœur, percé de sept glaives et qui a tant souffert, c’est le cœur de Notre Mère, qui est aussi puissante que bonne. Les traits de la statue sont empreints de maternelle bonté et sa main droite s’étend vers nous en signe d’accueil: «Mon Fils, m’a donnée à vous pour être votre Mère et votre Espérance!» 1er février 1848: Une main jeune et ferme venait d’inscrire ce nom sur le socle d’une statue de l’Immaculée-Conception, vénérée dans la chapelle Saint-Pierre, en reconnaissance de la guérison miraculeuse. L’auteur du geste, l’abbé Paul-Marie Prud’homme, était, à l’époque, directeur de la Congrégation de l’Immaculée-Conception, groupant les marchands et les artisans de la ville. Cette Congrégation établie en 1710, au sanctuaire Notre-Dame de la Fontaine par Messire Julien Jouanigot, chanoine de la collégiale Saint-Guillaume, transporta le lieu de ses pieuses réunions dans la chapelle Saint-Pierre devenue sa propriété, le 1er octobre 1716, par la générosité de Dame Sainte du Gouray, marquise de la Coste, qui la tenait d'un bien de famille.(1) En effet, le seigneur de la Coste, Pierre Dolo, avait été le reconstructeur, vers 1500, d’un petit oratoire en l’honneur de saint Pierre. Cette chapelle, bâtie sur le monticule — appelé dans les anciens documents «La Motte à Madame» —, surplombe le champ du Rouvre d’où s’élève, comme sortie des entrailles de la terre, la cathédrale-forteresse dressée sur pilotis, il y a sept cents ans, par l’évêque de Saint-Brieuc, saint Guillaume Pinchon. Sur cet oratoire, le document le plus ancien conservé aux Archives départementales des Côtes-d'Armor contient un testament du seigneur Pierre de Boisboissel, compagnon d’armes du bienheureux Charles de Blois: — Ge donne et laisse réparacion de l’église Sainct-Père à Saint-Brieuc, ung quartier de froment une foys paié.,. Faict en ma maison et manoir de la rue Sainct-Père, en la maczière du celier où je cousche... Donnez... le jour de mercredi après la exaltacion Sainte Croez, l'an mill troys cent sexante et quatre — Mais il apparaît que le don de la comtesse de Plélo, enregistré le 9 janvier 1717, par acte notarié à Paris, où elle résidait, devait être en assez mauvais état puisque les congréganistes décidèrent sa démolition et la construction d’une chapelle plus vaste. Après avoir réuni ressources et matériaux, ils se mirent à l'œuvre à la manière des compagnons du Moyen-Age. Le 9 août 1717, Louis de Labat, archidiacre de Saint-Brieuc, en posa la première pierre, et, le 2 février 1719, la bénit, ainsi qu'en témoigne cet extrait du procès-verbal: — Ce jour, deuxième de février mil sept cens dix-neuf, a été faite la bénédiction de la nouvelle chapelle érigée sous le nom de l'Immaculée-Conception de la Sainte Vierge et sous les anciens titres des apôtres saint Pierre et saint Paul, par M.de Labat, vicaire général, délégué par Mgr Louis Fretat de Boissieux, évêque de Saint-Brieuc, assisté de Messire Guillaume Treboula, vicaire perpétuel de la paroisse de Saint-Michel de Saint-Brieuc, et de MM. Morel et Pincemin, nos directeurs. Ont signé: L. de Labat : Alain Morel, prêtre et directeur de la Congrégation, Pierre Robert, Hugues Souvestre, Marc Gaultier, etc..., conseillers de la Congrégation. — Les réunions de la congrégation se poursuivirent jusqu'à la Révolution. (1) Dans les précédentes monographies Mme du Gouray, marquise, la Coste, comtesse de Plélo, bienfaitrice de la Congrégation était donnée comme la future veuve du comte de Plélo qui tomba à Dantzig en 1734; en réalité, elle était mariée à Louis de Bréhand comte de Plélo qui était le frère aîné de Jean de Bréhand, père du héros de Dantzig. (Note aimablement communiquée par M.le vicomte-Henri Frotier de la Messelière.) Cavot de l'Abbé Paul Prud'homme dans la Basilique ...Or donc, la Congrégation qui était échue à l'abbé Prud’homme en partage avec la custodie de la Cathédrale, allait prendre, sous sa direction, une extension encore plus grande. Placée sous le signe de l’Immaculée-Conception, longtemps avant la définition et la proclamation du dogme, elle allait marquer fortement son empreinte dans la vie de la Cité, par l’action sociale que le nouveau directeur lui avait imprimée et qui marchait de pair avec l’action religieuse. Pour son œuvre qui, jusqu’ici, avait quelque peu vécu au hasard d’amitiés ou de rencontres, l’abbé Prud’homme, par le rappel historique et la rédaction de statuts, groupés dans un opuscule, établit en quelque sorte son état-civil, ce qui, dans l’avenir, pouvait avoir son utilité. Mais il ne perdait pas de vue les âmes qui lui étaient confiées et la gloire de Marie, le but de sa vie. Cette gloire il allait commencer à la concrétiser dès 1838 en organisant pour la première fois à St-Brieuc, à la chapelle de l’Immaculée-Conception, les exercices publics du mois de Marie. L’année suivante, avec l’autorisation de l’Evêque et sous sa présidence, il figura le mois marial en inaugurant la procession aux flambeaux. Peu à peu il embellissait le sanctuaire; un chemin de croix, une chaire y furent placés (1839) et une cloche bénite. Le 10 août 1842, la foudre tomba sur le clocher et l’endommagea gravement. On dut songer à le reconstruire. C’est alors que les congréganistes payèrent hardiment et glorieusement de leur personne en creusant les fondations, en extrayant le sable d’une carrière. Ebranlé une première fois par la foudre en 1793, le clocher menaçait ruine au point de rendre impossible toute réparation. La croix qui le surmontait s’inclinait d’une façon inquiétante. Force était de le reconstruire. Or, la caisse de la Congrégation était loin d’être riche. Ses recettes annuelles qui, dans les temps les plus prospères ne dépassaient guère 600 francs, étaient absorbées par l’entretien de l’édifice et les secours aux congréganistes malades. Néanmoins, les pieux confrères et leur vaillant Directeur ne perdirent pas courage et s’engagèrent chacun selon ses moyens, à réparer le désastre. Le 8 décembre, jour de leur fête patronale, après avoir entendu la Messe, les congréganistes se divisèrent en escouades, les uns pour abattre l’ancien clocher, les autres pour transplanter les arbres du placis, d’autres enfin pour extraire et charroyer les matériaux nécessaires. Pendant tout l’hiver, ils se mirent spontanément et gratuitement au service de leur auguste Reine, et contribuaient par leur labeur à la construction de la maison de Dieu. L’abbé Prud'homme les encourageait de parole et d’exemple. Il était l’âme de tous ces travaux. Lui-même avait dressé le plan de la nouvelle tour et du porche et surveillait l’exécution du travail. De ses propres deniers, il acquit dans la vallée du Gouët une carrière qu’il fit exploiter par ses congréganistes. Il obtint aussi de son oncle, propriétaire du terrain avoisinant la chapelle, une parcelle où il comptait trouver du sable et du granit. En même temps il tendit la main aux fidèles de la ville et organisa deux loteries. Non content d’applaudir à tant de zèle en venant lui-même bénir la première pierre de la nouvelle construction, le 2 février 1843, le jeune évêque de Saint-Brieuc, Mgr Le Mée, fit une généreuse offrande et mit les salons de son palais à la disposition de M. Prud'homme pour l’exposition des lots et le tirage des billets. Toutefois, les ressources recueillies ne tardèrent pas à s’épuiser et force fut d’arrêter les travaux à la naissance de la flèche qui ne fut terminée qu'en 1853, et porta dans les airs la statue de Notre-Dame protectrice de la ville. L'année suivante furent commencés les travaux de la nouvelle chapelle qui fut inaugurée le 30 avril 1856, et fut ouverte aux fidèles le lendemain, premier jour du mois de Marie. Svelte, élégante, avec ses contreforts, ses collatéraux et ses pilastres de la nef majeure surmontés de pinacles pyramidaux; avec ses arcs-boutants s'élançant de la base des uns sur les contreforts des autres, avec sa balustrade en feuilles ajourées courant sur la corniche et, à la manière des imagiers du moyen-âge, flanquée de gargouilles bizarres et cyniques symbolisant les vices, elle présente un ensemble à la fois majestueux et hardi, une conception qui, pour n’être point originale, n’en est pas moins une œuvre délicate, un écrin de pierre, un poème ciselé à la gloire de Notre-Dame. Les hautes fenêtres de la nef et du chœur, celles des transepts et des nefs latérales — les unes et les autres contenant enchâssées dans des gaines de plomb, la vie, en très vif coloris, du Christ et de la Vierge Marie, les Evangélistes, les Prophètes, les figures de l’Ancien Testament, les galeries des Saints et Saintes d’Armorique et l'histoire des pèlerinages bretons, dus aux pinceaux artistiques des Carmélites du Mans, d’après les crayons de Carl Küchelbecker — laissent filtrer un jour diversement irisé, plongeant la chapelle dans une pénombre propice au recueillement et dans, laquelle l’œil distinguera, peu après, sans nul effort, la légèreté de ses colonnes et colonnettes, de ses arcades et archivoltes, les sculptures des galeries et chapiteaux, les ex-voto qu’un siècle de dévotion mariale y a accumulés. Tout au fond, dominant le maître-autel en marbre blanc incrusté, au centre, d’un bas-relief en bronze doré portant l’offrande à Notre-Dame, par ses grands serviteurs, des insignes de sa dévotion, la statue de Notre-Dame d’Espérance se détache, dans sa blancheur, sur un trône de style ogival, en chêne sculpté. Elle était destinée à remplacer la première statue, qui avait reçu tout d’abord le nom de Notre-Dame d’Espérance, le 1er février 1848. La nouvelle statue, œuvrée dans le cœur de chêne, fut portée pour la première fois à la procession du 31 mai 1852 et fut unanimement admirée pour sa beauté majestueuse. Le 2 juillet de la même année, Mgr Le Mée, évêque de Saint-Brieuc, tint à venir la bénir solennellement. C’est cette statue qui devait recevoir un peu plus tard, en 1865, les honneurs de la couronne d’or. S’il connut de vraies et profondes joies; si l’œuvre qu’il avait ébauchée dans un cri de confiance et d’amour marchait à pas de géant, l’abbé Prud’homme n’ignorait pas les épreuves qui scellent immanquablement les œuvres providentielles. Il les accepta avec humilité et y fit front avec sérénité lorsqu’elles dressèrent des obstacles qu’il dut vaincre; il réclama la justice lorsque les intrigues ou la jalousie, s‘en mêlant, l’accusèrent d’ambition et de fourberie. Les yeux fixés sur l’Etoile aux multiples rayons qui somme les armoiries de l’Archiconfrérie, le héraut de la Vierge poursuivait sa route avec fermeté. «Salut, Reine du Ciel, Mère de miséricorde, notre vie, notre douceur, notre espérance, salut! Enfants exilés d’Eve nous élevons nos cris vers vous; vers vous s‘élèvent nos soupirs et nos gémissements du fond de cette vallée des pleurs.» « Nous nous réfugions sous votre protection puissante... Vierge glorieuse et bénie, délivrez-nous de tous dangers.» «Oh! nous en avons la confiance, puisque notre appel a été entendu, puisque Marie trouve en France un grand nombre de cœurs qui lui sont dévoués, Dieu a des vues de miséricorde sur nous, et Notre-Dame d’Espérance deviendra une fois encore, par son intercession puissante, la cause de notre joie et de notre salut. Sa prière ne peut-elle pas tout sur le cœur de Dieu, et a-t-on jamais entendu dire qu’elle ait été invoquée en vain ?... Qu’ils soient donc bénis de Dieu et des hommes, tous ceux qui se joignent à nous pour implorer Notre-Dame d’Espérance! De Dieu, car ils travaillent à sa gloire et à l’affermissement de son règne sur la terre des hommes, car ils concourent à une œuvre éminemment civilisatrice, remontant au vrai principe, et cherchant le bonheur, la paix, la confiance, le salut, là seulement où ils se trouvent, en Dieu.» >>2EME PARTIE: Le Couronnement >>3EME PARTIE: Les trois guerres et les trois voeux >>4EME PARTIE Pèlerinages, Action Sociale >>5EME PARTIE: Les épreuves |